L’ours blanc des profondeurs

Le milieu benthique — les fonds marins — a longtemps été perçu comme étant simplement composé d’espèces occupant les niveaux inférieurs de la chaîne alimentaire marine, formant, en quelque sorte, un réseau subordonné à la chaîne plus complexe du milieu pélagique (la haute mer).

Des scientifiques des universités du Manitoba et Laval ainsi que de Pêches et Océans Canada remettent en question ce concept en montrant de façon convaincante que la chaîne benthique est tout aussi élaborée que la chaîne pélagique. À l’aide d’une approche isotopique permettant d’estimer l’étendue d’une chaîne alimentaire et le niveau qu’un organisme y occupe, les chercheurs ont reconstitué les chaînes benthique et pélagique des eaux entourant l’île Southampton, au Nunavut. Comme l’explique Rémi Amiraux, auteur principal de l’étude: «Non seulement ces deux chaînes ont des longueurs comparables, chacune comportant environ cinq maillons, mais leurs niveaux moyens sont également très semblables, indiquant une complexité équivalente. Dans ce nouveau schéma, l’étoile de mer trône au sommet du sous-réseau benthique, de la même manière que l’ours blanc domine le sous-réseau pélagique. Les chaînes étant interconnectées, il est concevable que si l’incidence des étoiles de mer sur les populations de bivalves dont elles s’alimentent venait à augmenter, cela affecterait l’ours blanc par le biais d’une de ses proies, le morse, qui lui aussi se nourrit de bivalves. Ces interactions potentielles, non encore quantifiées, doivent être examinées afin de mieux comprendre l’écosystème marin dans son entier.»

Source : PNAS, janvier 2023

Crédit photo: Gonzalo Bravo / Laboratoire d’écologie benthique, Université Laval