Le pergélisol branché
Le réchauffement de la toundra arctique a, entre autres suites, celle de favoriser la croissance des arbustes.
Durant l’hiver, cette végétation retient la neige, générant un couvert plus épais qui, selon les scientifiques qui modélisent la stabilité du pergélisol, soustrait celui-ci au froid intense si bénéfique à son maintien. Or, des prises de mesures en continu du pouvoir isolant du manteau neigeux dans les arbustes et sur la toundra herbacée par une équipe multidisciplinaire de chercheurs des universités Laval et Grenoble Alpes viendront probablement modifier ce précepte établi.
C’est en déterminant la température de l’air ambiant, celle à 15 cm sous la surface du sol ainsi que l’épaisseur du couvert nival sur des sites avec et sans buissons situés sur l’île Bylot, dans le Haut-Arctique, que l’équipe en est arrivée à la conclusion que les branches enfouies dans la neige agissent comme des ponts thermiques en conduisant la froidure de l’air jusqu’au pergélisol. Florent Domine, auteur principal de l’étude, explique:« En moyenne, les buissons contribuent à abaisser la température du sous-sol de 1,2°C entre novembre et février, comparativement au site contrôle, et ce, malgré le fait que la couverture neigeuse y soit deux fois plus isolante.» Au printemps, l’inverse se produit, ces mêmes branches transportant la chaleur en profondeur. Les chercheurs croient que l’omission de cet effet thermique dans les modèles actuels sous-estime le refroidissement du pergélisol en hiver de même que son réchauffement au printemps.
Source : Nature Geoscience, juillet 2022
Crédit photo: Florent Domine