Ingénieur et ingénieux

Le campagnol des steppes est un micromammifère des plaines désertiques de la Mongolie et de la Chine.

Il est sur le menu de maintes espèces de pies-grièches, qui le traquent volontiers en se perchant sur une haute plante graminée, Achnatherum splendens. Or, selon une équipe de chercheurs chinois, britannique et états-unien, le rongeur n’est pas entièrement à la merci du prédateur: il a pris en charge de modifier l’écosystème afin de réduire les risques de prédation. C’est en remarquant que le volume de cette graminée est généralement moindre en présence d’une population élevée du campagnol que les scientifiques ont émis l’hypothèse que le rongeur contrôle lui-même l’abondance de la plante. Non pas qu’il s’en nourrisse — A. splendens ne lui est pas comestible —, mais il l’extermine délibérément en coupant les tiges et les racines, diminuant de cette manière le nombre de perchoirs disponibles aux pies-grièches, en plus de générer une vue dégagée sur de vastes étendues. Résultat? Un taux réduit de mortalité du rongeur. Si la restructuration de l’habitat par un herbivore n’est pas une première — les éléphants, par exemple, par les trouées qu’ils engendrent dans les forêts, créent indirectement, pour le meilleur ou pour le pire, de nouveaux espaces pour d’autres espèces —, les chercheurs relèvent que l’action du campagnol à son propre bénéfice expose un comportement peu étudié et qui existe probablement dans beaucoup d’autres milieux.

Source : Current Biology, avril 2022

Crédit photo: Wikimedia Commons