Histoire de moules

Depuis la fin des années 1980, les Grands Lacs subissent une invasion soutenue des moules zébrée et quagga, deux espèces exotiques.

La moule quagga, un bivalve capable d’habiter les grandes profondeurs, a même surpassé la zébrée, au point que ses populations contrôlent désormais le cycle du phosphore dans les lacs Ontario, Érié, Huron et Michigan. C’est ce que révèlent les travaux récents d’une équipe de chercheurs de l’Université du Minnesota à Duluth. En séquestrant à l’intérieur de sa phénoménale biomasse de grandes quantités de phosphore sur les fonds lacustres, la moule quagga a changé à elle seule les paramètres régissant la biodisponibilité de ce nutriment dans la colonne d’eau. Résultat? Les échanges de phosphore entre les milieux benthiques et pélagiques sont modifiés par le bivalve, et la composition chimique des sédiments est altérée. La charge en phosphore dans les Grands Lacs, sur laquelle les autorités pouvaient agir en surveillant les déversements d’eaux usées, est maintenant dictée par l’activité biologique d’un nombre incalculable de moules, rendant plus complexe le maintien de la qualité de l’eau dans ce vaste écosystème aquatique. Les chercheurs craignent que l’influence des moules ne s’étende également aux cycles du carbone et de l’azote; toute la chaîne alimentaire, à commencer par le phytoplancton, en serait gravement perturbée.

Source : Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, janvier 2021

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