Des fourmis naufragées
En 2013, en Pologne, des biologistes découvraient dans un bunker souterrain désaffecté une colonie particulière de fourmis rousses des bois.
Formée au fil des ans par des ouvrières tombées dans un puits d’aération et incapables de regagner leur nid d’origine à la surface, elle comptait presque un million d’individus mais aucune trace d’une reine, de cocons ou de progéniture, la colonie stérile ne se renouvelant que par l’apport continu d’arrivantes littéralement tombées des nues. Des chercheurs polonais se sont interrogés sur la manière dont la colonie avait bien pu survivre. La réponse? Le cannibalisme. Près de deux millions de fourmis à l’abdomen perforé — indice immanquable de cannibalisme — jonchaient le sol, sous forme d’amas, à divers endroits. Le cannibalisme n’est pas inconnu chez les fourmis mais résulte habituellement d’attaques frontalières entre colonies voisines. Les fourmis du bunker, elles, provenaient d’un seul et même nid. En effet, une centaine d’ouvrières ramenées à la surface par les chercheurs ont simplement rejoint la demeure familiale sans subir d’agression de leurs consoeurs. Cet exemple de survie et de cohésion dans des conditions hostiles fait foi de la prodigieuse adaptation sociale des fourmis. Et pour conclure l’histoire: grâce à long madrier déposé dans le puits jusqu’au sol, les naufragées sont rentrées au bercail!
Source : Journal of Hymenoptera Research, octobre 2019
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