Pas d’occupation double

Non seulement la grive de Bicknell n’est-elle pas facile à identifier, mais sa population a beaucoup diminué. Son aire de reproduction très limitée tient en majeure partie sur les sommets des Appalaches et en bordure du plateau laurentien. Sur ce dernier, l’espèce privilégie les peuplements denses de sapins baumiers, là où l’activité forestière est présente et a tendance à altérer l’intégrité du milieu. Ses effectifs réduits seraient-ils donc causés par une baisse de disponibilité de son habitat? Afin de guider les efforts de conservation, des chercheurs de l’Université Laval, d’Environnement et Changement climatique Canada et de Parcs Canada ont dressé une carte d’occupation de l’espèce sur le plateau laurentien. Leurs résultats révèlent qu’une grande étendue de l’habitat potentiel n’est pas occupée par l’oiseau — et ce n’est pas la place qui manque, mais le nombre de géniteurs. Outre les facteurs extérieurs tels que la situation fragile des sites d’hivernage et les maigres effectifs, d’autres hypothèses sont considérées. Yves Aubry, auteur principal de l’étude, mentionne: «Cette occupation incomplète pourrait, entre autres, découler d’une contrainte dans la dispersion des individus en raison d’un nombre insuffisant de femelles. Une part de l’habitat peut ainsi rester vacante pendant de longues périodes.» Néanmoins le biologiste est catégorique: la préservation des habitats inoccupés doit demeurer une priorité dans l’éventualité où l’espèce deviendrait plus abondante.

Source : Avian Conservation & Ecology, décembre 2018

Crédit photo: Nicolas Bradette