Accros aux néonicotinoïdes?
Les insectes butineurs, en apparence libres comme l’air, n’ont pas toujours le choix de leur lieu de travail. C’est souvent l’emplacement du nid qui décide : champs de fleurs sauvages dans le meilleur cas, vergers traités aux pesticides dans le pire scénario. Or, est-il possible que les pollinisateurs puissent distinguer un milieu naturel d’un environnement entretenu aux produits chimiques? C’est ce qu’une équipe de l’Imperial College London a récemment déterminé. Sa conclusion, inattendue d’ailleurs, s’avère passablement inquiétante. En offrant pendant dix jours à des colonies de bourdons des solutions sucrées contenant de 0 à 11 parties par milliard (ppb) de thiaméthoxame — un pesticide de la classe des néonicotinoïdes — , les scientifiques ont noté qu’initialement, les insectes ne considéraient pas la composition des nectars. Néanmoins, le taux de consommation de nectar dopé s’est mis à augmenter, à tel point qu’au dernier jour, les bourdons consommaient près de 30% plus des solutions de thiaméthoxame que de celles n’en contenant pas. Les néonicotinoïdes interagissent avec les récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine, qui sont associés à la mémoire et à l’apprentissage, suggérant aux chercheurs que le pesticide pourrait agir sur les bourdons de façon comparable à d’autres alcaloïdes telles la caféine et la nicotine. Ces résultats démontrent l’importance d’étudier plus en détail le comportement à long terme des pollinisateurs confrontés aux pesticides plutôt que l’effet toxique dorénavant bien établi de ces derniers.
Source : Proceedings of the Royal Society B, août 2018